Fiche Actualité

Article du 01.06.2004 dans l'Hebdo sur le MMA

Date : 26/04/2010

 

 
 
Sports de combat: toujours plus violents
Porté par le succès des jeux vidéo, le kickboxing connaît un engouement exceptionnel, notamment en Suisse. Et pas seulement auprès des garçons. Enquête.
Par Gabriel Sigrist

«Genève apparaît désormais sur la carte mondiale en matière d’arts martiaux.» L’athlète genevois Carl Emery, ancien champion du monde de kickboxing, est fier de sa ville et de son travail: chaque année, il organise l’une des plus importantes compétions d’arts martiaux en Europe, la Post Tenebras Cup.

Fin avril, plus de 1’000 combattants ont convergé vers le centre sportif du Bout du Monde pour s’affronter à main nue. «La soirée du samedi a rencontré un immense succès, avec 3’500 spectateurs, soit le double de l’an dernier, se réjouit Carl Emery. Seules les villes de Sydney et Dublin proposent des tournois d’une telle envergure en dehors des Etats-Unis.»

A la Fédération suisse de kickboxing, on n’en revient encore pas: «On parlait d’un phénomène de mode, mais il semble bien se prolonger, constate René Bösch, le président. Les inscriptions ne cessent d’affluer. Rien que pour le kickboxing, il y a 65 clubs répertoriés en Suisse: c’est deux fois plus qu’il y a cinq ans. Nous avons 2’500 adhérents, mais le nombre réel de pratiquants est beaucoup plus important car une minorité seulement s’inscrit auprès de la fédération.»

Parmi les sports de combat, ce sont les disciplines les plus violentes qui semblent avoir désormais la faveur des adolescents. «On a quitté la période new-age qui amenait une clientèle plus spirituelle vers les arts martiaux. C’est le côté sport extrême qui prime désormais, analyse Carl Emery, qui dirige 13 clubs en Suisse romande. Les jeunes jouent à se battre sur des consoles de jeu vidéo toute la journée, ça leur donne envie d’essayer en vrai.»

Carl Emery surfe sur la vague. Il a participé au lancement de Tekken Tag Tournament, un jeu vidéo de combat sur Playstation 2, en y associant son nom. «Ces jeux font une monstre promotion aux sports que je pratique: je leur ai rendu en quelque sorte la pareille», dit-il simplement.

L’engouement pour les sports de combat s’explique aussi par le «sentiment d’insécurité» grandissant. Raison pour laquelle les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer les arts martiaux. «C’est une explosion: dans plusieurs cours, il y a une moitié de femmes alors qu’il n’y en avait quasiment aucune il y a dix ans, constate Carl Emery. Au niveau suisse, on estime qu’elles représentent un tiers des adeptes.»

Florence Jaques, vice-présidente de la Fédération suisse de kickboxing, explique: «Ce sport est excellent pour la condition physique. C’est le côté fitness qui attire les femmes. Mais évidemment, cela leur permet d’apprendre à se défendre, à se sentir plus sûres, plus confiantes face aux dangers.»

Le même besoin de protection pousse les ados à apprendre à se battre. «Il y a du racket dans les écoles, des menaces, des bagarres dans la rue, tout cela incite les jeunes à s’y mettre, analyse Carl Emery. Sans parler de la culture rap qui véhicule des images violentes.»

Au lieu du bon vieux judo, les jeunes choisissent aussi les karaté, ju-jitsu, pancrace ou full-contact, toujours plus violents. Et une nouvelle discipline est en train d’émerger en Suisse: le combat libre, qui s’inspire de l’«Ultimate Fighting» américain. Adepte lui-même, Carl Emery organise d’ailleurs de telles compétitions en Suisse. La prochaine aura lieu en juin à Genève.

«Pour ce type de combat, où il n’existe qu’un minimum de règles, l’athlète doit mélanger les différentes techniques. Cela demande un entraînement très poussé. Ce n’est pas forcément spectaculaire puisque les combattants, s’ils sont entraînés, finissent généralement rapidement dans un combat au sol comme deux asticots. Ces combats sont très populaires aux Etats-Unis, et un peu moins en Europe. En Suisse, ils vont se développer, aussi parce que la législation est souple.»

Le problème vient du fait que les pratiquants ne sont pas toujours bien entourés. «Il y a eu un mort à Kiev et plusieurs blessés dans d’autres combats de ce type», reconnaît Carl Emery. Et en Suisse aussi, les nouveaux venus ne sont pas toujours entraînés.

«On a vu des choses terribles, soupire René Bösch. En Argovie, récemment, des élèves d’une école de kickboxing sont sortis complètement amochés de leurs entraînements parce que leur instructeur leur faisait faire n’importe quoi. Fascinés par la violence, certains allumés ont du plaisir à assister à des pugilats. Mais plus les disciplines sont violentes, plus la compétence et l’intelligence de l’entraîneur sont importants.»

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Une version de cet article a été publiée dans L’Hebdo du 27 mai 2004.


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