Fiche Actualité
Patrick Kinigamazi: un combat de chef
Article de Jacques Wullschleger - le 03 mai 2009 - quotidien national : Le Matin
Au terme d'un combat intense et splendide, le Rwandais de Genève a ravi le titre de champion du monde des poids plume version WKN à son pote irlandais Gary Hamilton
Il masse sa mâchoire, douloureuse, opère des mouvements secs pour voir si elle est toujours bien en place. «J'ai pris une tonne d'uppercuts. Gary m'a fait mal.» Dans l'intimité du vestiaire, sobre, Patrick Kinigamazi savoure avec humilité son succès. Sa ceinture mondiale repose sur un petit banc. «En boxe, il a beaucoup progressé. Je le savais plus fort avec les pieds, ça m'a déstabilisé.» L'oeil droit un peu rouge, entamé, le Rwandais de Genève avoue: «Que ce soit en boxe - 11 matches, 11 succès - ou en full, ç'a été le plus dur combat de ma carrière.»
C'était la première fois que Kinigamazi affrontait 12 rounds de deux minutes. «Il a cru que je flancherais, que j'allais lâcher. Gary s'est trompé.» A la 2e reprise, un «balayage» de Hamilton, Irlandais du Nord détrôné, fit tomber son pote de ring et de pub. Sans conséquence. «A un moment donné, l'arbitre nous a séparés et, quand j'ai voulu saluer Gary en lui tendant un gant, il m'a envoyé une droite, ça m'a énervé.» Kinigamazi se lève pour aller saluer une dame. Il bute sur la ceinture, large, tombée du petit banc.
Un 11e round de 2'20''
Dans ce combat intense, sans cadeau, de grande qualité, le Genevois, qui a souvent mené la danse, offensif, bourré d'initiatives mais jamais à l'abri d'un coup définitif, a gagné plus de rounds que son adversaire. «Gary pèse quatre kilos de plus que moi. J'étais prêt à surmonter ce déficit. J'aurais pu encore faire mieux mais je ne voulais pas être dans le rouge trop vite.» Vers le 7e round, une idée, mauvaise, traversa son esprit. «Je voulais lâcher l'affaire, mais on m'a encouragé à ne pas faire le fou. Pourquoi? Parce qu'à chaque fois que je le touchais au foie, qu'est-ce qu'il en a reçu là, il revenait encore plus fort.»
Le 11e round dura 2'20''! Sans doute captivé par la beauté du match, le préposé à la cloche oublia de la secouer. A l'appel de la dernière reprise, l'Irlandais glissa trois mots à son vainqueur. Ce dernier fait appel à sa mémoire. «Il m'a dit: on finit bien.» Quand tout fut terminé, tard - il était déjà dimanche -, Hamilton porta son regard vers des compatriotes dans la salle bondée - plus de 1500 personnes aux anges. Il accomplit un mouvement avec ses mains, puis avec sa tête. Une attitude de regret. Il savait qu'il avait perdu. Le décompte des points? 358 contre 348. Désormais, le patron, c'est Patrick. A 26 ans, Kinigamazi n'a pas fini de faire plaisir au monde.