Fiche Actualité

L'angle

Date : 14/11/2009

L'ANGLE

 

Dès que le boxeur maîtrise ces deux thèmes (le couloir et la chasse), on peut alors développer la situation de "l’angle".
En effet, les préalable des déplacements étant acquis, on passe alors à la finalisation (possible) du cadrage. Ici, le cadré est placé dans un coin du ring, et le cadreur doit le maintenir le plus longtemps possible à l’intérieur. Les premières fois, on relèvera simplement le temps passé lors du cadrage réussi, à l’aide d’un observateur muni d’un chronomètre. Mais rapidement, on ajoutera deux observateurs juges, afin d’opérer le décompte des points, et de rendre à l’exercice toute sa finesse. En effet, celui qui cadre doit toujours rester conscient de la contradiction à gérer pour gagner, même si elle paraît irréalisable dans un combat équilibré : toucher sans se faire toucher ! L’idée est de rester toujours le dominant additionnel, c’est à dire celui qui fait le pressing, mais celui aussi qui marque des points.

Des compétences plus complexes vont être requises :

  • Construire des ouvertures chez l’autre en touchant haut pour ouvrir en bas, en touchant bas pour ouvrir en haut, à gauche pour la droite, à droite pour la gauche, combiner des trajectoires directes et circulaires (en croisé).
  • Feinter dans le compartiment des coups à distance courtes ou mi distance : cela implique alors des charges et des fausse charges de poids de corps, puisque à un niveau confirmé on sait que c’est à partir des charges d’appui que l’adversaire va déduire de l’ensemble de ce qui peut arriver en terme de touches, et donc les coups potentiellement dangereux pour lui (ex : si l’autre se penche à gauche, j’ai toutes les chances d’encaisser un uppercut au corps ou remontant).
  • Placer les appuis en fonction des déplacements que l’on veut privilégier chez l’autre (je ferme à droite pour le faire pivoter à gauche sur mon bras avant par exemple parce que je peux pistonner facilement avec lui et que l’autre est terriblement gêné par cela, et vive versa).
  • Etre capable de couper la route à celui qui va faire « le forcing », c’est à dire à celui qui va tenter de passer en force, au delà des coups circulaires qui lui ferment théoriquement la route de la sortie du cadrage. C’est aussi détourner l’autre par des trajectoires directes qui le repoussent vers les cordes, cassant sa trajectoire propre de sortie, et le rendant vulnérable quelques instants (lors de sa sortie sur ma droite, je place un direct qui le repousse dans les cordes ; son centre de gravité part alors vers l’arrière ce qui limite les possible en termes de coups et ouvre des possibilités de frappe au corps, ou corps face).

angle1LE RABATTEUR
Cette version plus complexe du cadrage consiste à emmener l’autre dans un coin qui aura été déterminé à l’avance. C’est une situation d’entraînement, mais qui peut être utilisée, dans des cas exceptionnels, pour amener l’autre dans son propre coin afin de mieux percevoir les judicieux conseils du coach (malgré que le silence se doit d’être, en principe, complet chez les hommes de coin !…), ou pour éloigner l’adversaire de son propre coin, ou même exceptionnellement, pour éviter un photographe qui vous flache systématiquement de face…
Le rabattage peut tout aussi bien permettre d’influencer un juge devant lequel on affirme sa compétence, ou de tourner le dos à un autre qui sera toujours incité dans le doute, à valider des points rendus difficiles à percevoir, mais décelables par le bruit (dans les gants, par un souffle marqué,…si si, ça existe !). Certains hommes de coin font même venir le boxeur à l’approche de la fin du round vers leur coin afin de gagner quelques secondes sur des soins particuliers (blessures, coupures, etc).

angleLE FAUX CADRAGE
C’est le nec plus ultra. Ici, le cadreur emmène l’autre dans un coin, le fixe et travaille sur lui. Au moment, ou le cadré prend conscience que la situation peut devenir dangereuse pour lui, le cadreur lui laisse volontairement une porte de sortie, le plus souvent avec la perspective d’utiliser un de ses coups favoris, ou son "spécial". Le cadré, dans une situation critique s’engouffre tête baissée dans le piège, et se fait punir.

Une particularité de la sortie d’un cadrage serré, c’est que le cadré est obligé pour dégager d’utiliser des déplacements en pas chassés et de se retrouver alors les deux pieds quasiment parallèles, dos aux cordes. A ce moment là, il devient très vulnérable car il ne peut pas charger ses appuis d’avant en arrière (seulement d’un côté sur l’autre, ce qui impose un travail en efficacité uniquement sur les uppercuts côté appui chargé).

Autre aspect, et non des moindres, durant le passage dos aux cordes, le buste est présenté de face, et les organes sensibles sont alors exposés : le cœur, l’estomac, le plexus et le foie. Toutes les portes de sorties laissées vacantes après une forme d’attaque (feintées, directes, circulaires, répétées ou croisées),
Ainsi, provoquer une sortie de côté en feintant pour toucher au corps permet de mobiliser les bras en défense chez le cadré, et offre des solutions possibles de travail pour le cadreur.

Rester lucide est une condition déterminante de la technique du cadrage. C’est même, peut-on dire, un objectif majeur à poursuivre dans la formation du combattant, à une époque où mettre son adversaire hors combat en prenant des coups, est plus valorisé que de le gagner aux points, sans se faire abîmer.
Il faut aussi se rappeler que le cadrage n’est pas forcément une panacée lorsque le cadreur possède des qualités de contreur ou de contre attaquant extraordinaires (Ali vs Foreman, pour l’exemple le plus classique).
C’est à dire lorsque la prédiction du travail du cadreur est trop facile pour le cadré, (qui anticipe alors sur les choix opérés et prend énormément d’avance sur la réponse à réaliser), le danger sera toujours présent pour le cadreur. Et une changement de tactique sera peut-être souhaitable…

Le cadrage est donc une affaire de choix, de connaissance de soi, des possibles techniques en fonction d’une situation donnée, et d’analyse de l’autre, de lucidité, de cran, et de tactique qui s’apparente à une lutte géométrique.
C’est une affaire de mathématiciens, de calculateurs du noble art.

Donc essentiellement un outil sportif au service de l’intelligence tactique. Qu’il faut savoir apprendre à utiliser, qu’il faut expérimenter puis exploiter… comme tous les outils.

Le 24 décembre 2006
par Franck Martini.


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